Retrouvez l’article intégral publié dans la Harvard Business Review France en bas de cette page.
Efficacité collective et instabilité. Comment concilier les deux ?
Souvent, la réaction instinctive des dirigeants face aux turbulences est de chercher à « remotiver » leurs collaborateurs, pensant que la motivation est la clé de la performance collective.
Or, ce raisonnement repose sur une idée simpliste. La motivation, bien qu’importante, est un mécanisme profondément individuel et interne. S’appuyer uniquement sur ce levier ne suffit pas pour obtenir des résultats durables. Ce qu’il faut véritablement, c’est mobiliser l’équipe autour d’un projet commun et cultiver la confiance individuelle.
L’observation de deux événements marquants en 2024 — les Jeux Olympiques de Paris et les élections législatives françaises — apporte un éclairage précieux sur cette distinction entre motivation individuelle et mobilisation collective. Ces deux situations montrent que la dynamique collective est souvent plus puissante que la simple somme des motivations individuelles.
1 – De la motivation à la mobilisation : une distinction cruciale pour doper l’efficacité collective
Lors des élections législatives de juin 2024, le taux de participation a atteint 67 %, un chiffre exceptionnel après une décennie marquée par des taux d’abstention records. De même, les Jeux Olympiques de Paris, initialement accueillis avec un certain scepticisme, ont fini par susciter un enthousiasme national sans précédent. Ces deux phénomènes montrent que, pour engager un large groupe d’individus, la mobilisation est plus efficace que la motivation individuelle. Mais qu’est-ce qui différencie ces deux dynamiques ?
Trois facteurs clés expliquent pourquoi ces événements ont réussi à mobiliser les foules :
- Une conscience claire de l’enjeu : Chaque participant avait une compréhension précise de l’importance de l’événement ou de l’objectif. Les électeurs se sentaient investis d’une responsabilité civique majeure, tandis que les spectateurs des JO percevaient l’événement comme un moment historique.
- La confiance dans un résultat positif : Une croyance partagée que l’effort collectif aboutirait à un résultat satisfaisant. Pour les électeurs, il s’agissait de croire au changement politique, tandis que pour les partisans des JO, la perspective de victoires nationales créait une dynamique d’enthousiasme.
- La perception de l’utilité de l’action individuelle : Chaque individu s’est senti capable d’influencer le cours des événements. Les électeurs avaient l’impression que leur vote comptait, et les spectateurs des JO voyaient leur soutien comme une contribution à la réussite de l’événement.
Dans le cadre professionnel, ces facteurs sont souvent négligés lorsque les dirigeants se contentent de tenter de « remotiver » leurs équipes avec des discours inspirants ou des incitations financières. Les recherches d’Edward Deci et Richard Ryan, pionniers de la théorie de l’autodétermination, montrent que la motivation est liée à des besoins individuels profonds. Qu’elle soit extrinsèque (récompenses matérielles) ou intrinsèque (satisfaction personnelle), la motivation repose sur une dynamique interne propre à chaque individu. Cela la rend difficile à actionner uniformément à l’échelle d’une équipe.
2 – Mobiliser : un levier collectif puissant d’efficacité collective
Ce qui fait réellement la différence dans les périodes de turbulence, c’est la capacité à générer une dynamique collective, et non à essayer de pousser chacun à être plus motivé individuellement. L’exemple des JO de 2024 est parlant : l’enthousiasme national n’est pas né d’un regain soudain de motivation chez chaque individu, mais d’un élan collectif alimenté par des événements fédérateurs. En entreprise, cet effet de groupe peut également être atteint, à condition que les collaborateurs aient une vision claire des enjeux globaux et perçoivent l’impact concret de leurs contributions.
Ainsi, la mobilisation repose sur un objectif commun, autour duquel chacun peut se rallier. C’est une dynamique qui dépasse les intérêts personnels et permet de fédérer des énergies autour d’un projet plus grand. En activant cette logique, les leaders peuvent surmonter des obstacles psychologiques tels que le scepticisme ou le désengagement. En outre, la mobilisation crée un environnement où la performance individuelle est amplifiée par la dynamique collective, ce qui produit des résultats plus solides et plus durables.
3 – Mobiliser plutôt que motiver : un changement de paradigme pour les leaders
Dans des contextes où l’incertitude règne, où les objectifs peuvent paraître flous, et où les équipes sont désorientées, la motivation seule est souvent insuffisante. Les individus peuvent être motivés, mais si cette motivation n’est pas alignée sur un projet commun, elle risque de s’étioler rapidement. La mobilisation, au contraire, est une réponse plus adaptée à ces environnements complexes et changeants. Elle crée une dynamique collective où chaque individu trouve sa place dans une vision plus large.
Pour réussir cette mobilisation, les dirigeants doivent s’efforcer de :
- Clarifier les enjeux collectifs : Les collaborateurs doivent comprendre la finalité de leur travail et pourquoi il est important. Cela nécessite une communication transparente et régulière sur les objectifs stratégiques de l’entreprise.
- Instaurer la confiance dans le succès futur : Les équipes doivent être convaincues que leurs efforts collectifs mènent à un résultat positif. Cela implique de partager des indicateurs de succès clairs et de célébrer les victoires intermédiaires.
- Valoriser l’impact de chaque contribution : Chaque collaborateur doit se sentir utile et capable d’influencer le résultat final. Cela renforce l’engagement et l’autonomie, deux facteurs-clés pour maintenir une dynamique collective.
En résumé, le passage d’une logique de motivation à une logique de mobilisation constitue un véritable changement de paradigme pour les dirigeants. Il s’agit de créer les conditions pour que l’énergie collective soit dirigée vers un objectif commun, plutôt que de se concentrer uniquement sur la motivation individuelle. Ce modèle permet non seulement de surmonter les crises, mais aussi de transformer les périodes de scepticisme en véritables opportunités de croissance et de succès partagé.
Cet article est un extrait de l’article publié par Isabelle Proust dans la Harvard Business Review France