L’influence : un piège à discerner, une compétence à maîtriser
Résister à l’influence ou en jouer ?
Le conseil d’administration, comme toute instance non régie par une autorité hiérarchique, est une terre d’influence. L’administrateur, et d’autant plus l’administrateur indépendant, doit en maîtriser les rouages pour jouer son rôle et veiller à préserver l’intérêt social de l’entreprise lors de la prise de décision.
L’influence : une soft skill (compétence comportementale) et un vigilance qui se forge et s’exerce.
L’influence est suspecte. Elle renvoie à cette notion héritée du Moyen-Âge où elle désignait un fluide provenant des astres, agissant sur la destinée humaine. Subissant l’influence, nous risquons d’être dépossédés de notre jugement. La définition a évolué mais le fait de savoir que notre comportement peut être modifié par l’action de quelqu’un à notre insu nous met mal à l’aise. Ce d’autant plus que le même vocable désigne l’intention positive ou malveillante de manipuler.
Les tentatives d’influence dans le but de servir des intérêts financiers personnels sont encadrées par la loi visant à éviter les conflits d’intérêt et peuvent être facilement identifiées en étant prudent.
L’ascendant qu’exercent de facto certaines personnalités dans un Conseil, du fait de leur titre, de leur expérience ou de leur posture, est plus difficile à détecter et à contrer.
Il n’est pas forcément mal intentionné, mais il faut être en mesure de l’identifier afin de maintenir une capacité d’esprit critique et son expression, que ce soit dans les missions de contrôle ou pour aller au-delà des évidences dans les débats stratégiques.
Se soumettre à une autorité charismatique est plus facile que la remettre en cause car cela permet de s’y abriter. La conscience partagée de ce risque, face aux situations de fascination, domination ou pression induite, permet aux administrateurs d’être en alerte de sorte à préserver des débats contradictoires et favoriser des décisions éclairées.
Pour contrer une influence, il faut être en mesure d’en jouer.
Positivement, avoir de l’influence c’est créer l’envie de vous suivre.
D’ailleurs, comment obtenir autrement sans imposer ?
Il n’y a rien d’opaque dans l’exercice quand l’intention est claire. Au service d’un projet, comme manageur. Au service de l’intérêt social de la société, comme administrateur. C’est un équilibre subtil entre autonomie de jugement sans craindre le regard de ses pairs et compréhension des règles du jeu, qui nécessite de la part de l’administrateur une grande confiance et une capacité à intervenir à propos avec assurance. Se faire entendre commence par écouter et observer pour connaître le terrain.
Comme nous le rappelle le Larousse, l’influence est « l’action généralement lente et continue » qu’exerce une personne sur une autre.
Un bon « influenceur » n’est jamais pressé. Il (ou elle) prend le temps de s’ajuster à ses interlocuteurs, rebondit, reformule, teste ses arguments. Avec l’objectif très clair en tête, ce qui le rend attentif et pertinent.
La maîtrise de l’influence est une agilité.
Extrait du Dictionnaire vécu de la gouvernance, Ed. HEC gouvernance
Isabelle Proust (HEC 93)
Présidente fondatrice de CEO&Cie, cabinet de conseil auprès des dirigeants et membres de comités de direction
Administrateur indépendant au board d’une fintech, comité stratégique ETI, membre APIA, responsable du projet soft skills en gouvernance